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 Chlored ∯ The sadness will never end

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Habitant de Oxtown

Jared F. Kloss
Jared F. Kloss
❝ Messages : 122
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❝ A Oxtown depuis le : 19/06/2016
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❝ Cupidon : Amour éphémère; 10 ans réduits en cendres. Alors, arrête de viser la lune Cupidon, tes flèches atteignent les avions.
❝ Enfant : Conception impossible depuis un dépistage
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❝ Avatar : Julian Schratter
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MessageSujet: Chlored ∯ The sadness will never end   Chlored ∯ The sadness will never end EmptyJeu 1 Sep - 20:26



It's getting darker, but I'll carry on
I'm sorry, but it's too late
And it's not worth saving
So come rain on my parade

La paperasse, écrire des mots dans les cahiers des élèves pour comportement inadéquat, rien que cela déjà c'est une dose d'énergie excessive qui m'est demandé de produire. Je ne colle jamais mes élèves à travers une note rédigée sur du papier. Si je veux les punir c'est dans l'immédiat, avec des exercices physiques supplémentaires ou des remontrances qui peuvent me mener jusqu'à humilier le concerné devant ses camarades. Un stylo ou un crayon, ce n'est pas pour moi, car je ne sais jamais comment l'utiliser à bon escient. Cela ne fait pas partie de moi et je m'en passe volontiers quand on m'en tend un pour signer une déclaration sur l'honneur ou un renouvellement de contrat. Cependant, je suis dans une période où je dois écrire noir sur blanc. Pas mon côté sombre, non, mais celui du déni que tout continue après la disparition de Reb's. Je gerbe de mon hypocrisie couchée dans ces lettres de candidature spontanée que je cachète en m'écoeurant un peu plus de passer ma langue sur un carré sans saveur. Il est déjà loin le temps où j'avais en entrée froide un cachet de la taille d'une croquette pour chats, et en plat consistant la peau tiédie et cristalline de ma bien-aimée. Au lieu de ce paradis, l'enfer redouble d'intensité : le timbre est collé dans le coin supérieur droit de l'enveloppe; l'adresse et le destinataire précis de ma requête à peine sincère est inscrite en son centre; et toutes les belles formules dont j'avais usé pour obtenir le poste à Killingly sont ressorties sans conviction pour être réemployées de manière aussi conforme dans le pli que j'y insère. Les chances de me voir retourner une réponse affirmatif sont minces, mais quelque part que puis-je faire d'autre si ce n'est me battre pour ne pas que la vie éradique cet infime part psychologique qui m'empêche d'abandonner et de me laisser à mon tour emporter par les méandres de la mort vers ses abîmes.

Je me suis rendu sur place, dans le quartier d'Eastview, avec ma gueule à tomber par terre d'effroi. Mais c'est un détail, comme désormais la plupart des choses de la vie. Je m'en fous de comment je peux paraître devant l'intendant de l'accueil puis l'employée chargée de l'accueil des personnes externes au lycée d'Oxtown. Je suis vêtu d'un pantalon au-dessus d'un boxer, et d'une chemise approximativement boutonnée qui me donne certes un petit air de junkie. Impression qui peut très vite se dissiper au cours d'une discussion franche sur mes intentions, et laisser place à l'appréciation de mon curriculum reprenant les grandes lignes de ma carrière depuis l'obtention de mon diplôme .. dix ans plus tôt. Cette durée, clairement énoncée à voix haute par la femme de l'autre côté du bureau, me provoque toujours ces tourments à la mémoire de notre première rencontre avec celle qui était devenue par la suite ma femme pour plusieurs années. Jusqu'à ce drame récent. J'écourte la discussion par des réponses suffisantes, et serre la main en crachant un "merci" insignifiant. Une fois l'oxygène retrouvé au dehors de cet établissement, je considère ma journée ainsi que la proximité de l'océan. Avant de rentrer, pour de toute façon ne rien faire et ressasser, je décide de faire un crochet jusqu'à l'Atlantique. Je n'arriverai pourtant pas à atteindre la côte.

En traversant la périphérie de la ville qui débouche sur le littoral, je marque des pauses répétées à chacun de ces avis de disparition affichés sur les poteaux d'éclairage public et certaines palissades de devantures. Mes pieds deviennent des barres de plomb qui refusent de poursuivre le chemin vers l'océan. Un nouvel arrêt m'immobilise face à cette image figée, le temps du déclic de l'appareil photo qui l'a immortalisée. Une femme, à qui je donnerais la vingtaine. Comme Reb's. Les cheveux libres, le fond des yeux pourvu d'une expression taquine. Resplendissante sans que l'oeil ne le perçoive au premier abord, vivante en chair et en os, elle serait - j'en suis certain - d'un agréable. Comme Reb's. Chaque pixel m'éloigne de la réalité et me ramène à mes souvenirs. Je m'inflige ce supplice quelques secondes de plus, regardant encore le texte accompagnant l'image : "Si vous avez des informations ou avez croisé Rachel, contactez moi." Je m'emporte avec mes visions; j'arrache un numéro de téléphone dactylographié sept ou huit fois dans le prolongement inférieur du format A4. Je fourre ce que j'ai volé dans le plus profond de la poche de mes jeans et me remet en marche. La destination prévue se trouve derrière ce bloc d'habitations, deux rues plus loin, mais je rebrousse chemin pour rentrer à Southwood. Au pas de course, je débarque dans le pavillon où j'ai élu domicile depuis quelques semaines. Je tourne la clé à double tour dans la serrure, m'enferme dans ce taudis déjà poussiéreux que je néglige d'un point de vue hygiénique. J’enfouis mes doigts extraire la bandelette chiffonnée que je déplie méticuleusement tel un indice crucial dans le cadre d'une importante chasse au trésor. Il ne m'est d'aucune utilité. Pourquoi?

Le soir tombe, je suis toujours assis par terre dans le couloir, au bas des escaliers, le crâne contre le mur. Je ne détiens malheureusement pour le propriétaire de ce numéro aucune information susceptible de l'aider dans ses démarches pour espérer un signe de vie de cet être cher. Une heure de plus s'écoule. Mon esprit bien vide ne se remplit de rien et ne considère pas grand chose au milieu de mon marasme névralgique. Je me lève, empoigne mon Blackberry posé sur le meuble du hall, et pars m'asseoir dans la salle à manger. Mon regard navigue entre l'écran lumineux et les chiffres alignés à la perfection sur fond blanc. Ils sont juste un peu bousillés par l'impétuosité de mes ongles, mais lisibles. Au rythme d'une touche toutes les deux secondes, je compose finalement le numéro et porte seulement le combiné à mon oreille au bout de la quatrième sonnerie. Une voix féminine rompt le silence entre deux tonalités. Chloé est au bout du fil. Je ne connais et n'ai jamais connu de Chloé au cours de mon existence, mais je la considère comme familière. Dans la perte, dans le doute, dans l'impatience d'avoir tort. Je ravale ma salive afin de trouver quelque chose à lui confier, même si elle n'est pas psychologue ni avide d'entendre un récit qui la traumatiserait davantage que les craintes qu'elle a développé depuis le premier jour du manque de son amie. « L'impuissance de se... » commence-je par déclamer avant de m'interrompre directement. Mauvaise introduction, je vais me faire incendier si j'enchaîne. « Il n'y a rien d'évident qui puisse nous convaincre à avoir raison ou non par rapport à ce qu'on redoute le plus. Je sais ce que le manque peut engendrer comme sensation ainsi que... » monologue-je. Tentative une nouvelle fois peu convaincante; Chloé va penser à un canular si je ne ma ressaisis pas. Je suis pétrifié à l'angoisse d'avouer enfin un poids sur ma conscience, et aucun son ne s'échappe de ma bouche. Je ne l'entends presque pas, assourdi par l'agitation dans ma tête. Je suis tout de même conscient qu'elle s'apprête à raccrocher. Un haut le coeur, puis je vomis : « Le Nocturne, Westover. Demain, vingt-et-une heures. Jacket brun cuir table du fond, j'y serai. Je désire savoir. » Je ne perds pas de temps et raccroche, pris par l'angoisse d'une réplique à laquelle je ne pourrais rester courtois. J'arrache le couvercle de mon portable, défais la batterie de son emplacement. Je ne veux pas prendre le risque de décrocher et son rappel.

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