Retrouvailles d'un talent méconnu. [Jordan + libre]

J'avais décidé de venir manger quelques tapas au Memento un restaurant d'Oxtown. Restaurant que je connaissais bien puisque j'y venais assez souvent avec quelques rares amis du temps de la fac. Il faut dire que ça remontait à déjà  longtemps.
Maintenant, je travaille et loge dans ce quartier et à 26 ans, je suis devenu l'heureux propriétaire de ma propre librairie. Un endroit où beaucoup de jeunes étudiants ou autres geeks viennent voir les dernières nouveautés en bandes dessinées et compagnie.

Ca faisait  un moment que j'avais gardé contact avec mon professeur de dessin de mon lycée privé. Il fallait dire que j'étais plutôt doué en la matière. Je faisais des chef-d'œuvres en matière d'art contemporains qu'on pouvait appeler "Tag". Par contre, j'étais beaucoup moins doué pour les portrait ou personnages dans un décor réel. Allez savoir pourquoi, j'ai arrêté de dessiner vers mon entrée à l'université...

Je venais de téléphoner à Jordan Paterson, le dit professeur de dessin et nous devions nous retrouver pour prendre l'apéritif dans ce charmant restaurant. Peut-être y dînerions-nous aussi ?

"Bonjour. J'ai réservé au nom de Newton. Troy Newton, une table pour deux."

La serveuse me conduisit alors à une table donnant sur la vitrine à gauche. Jordan n'était pas encore là puisque la place était vide de convives.

"Merci."

Je m'assis donc seul en me disant que 19 heures était un peu tôt pour prendre l'apéro un vendredi soir. Je venais de fermer ma boutique une heure avant. J'aais décidé de repasser avant dans mon appartement pour me changer. Après une rapide douche bienvenue, j'avais enfilé un jean noir, un tee-shirt blans et mon gilet bordeaux ainsi qu'une paire de chaussure en cuir.

"J'espère qu'il trouvera facilement une place pour se garer à moins qu'il ne vienne à pied comme moi..."

En effet, le restaurant était seulement à deux rues de mon petit appartement. Je n'eus donc pas à me presser et arrivait un quart d'heure en avance. J'avais hâte de retrouver Monsieur Paterson que je voyais moins à cause de mon travail. Etre libraire me prenait beaucoup de temps mais je n'allais pas m'en plaindre car j'adorais mon métier. Et surtout j'avais la chance d'être propriétaire d'une petite boutique et non un des nombreux chômeurs de la ville d'Oxtown.

J'aperçus la tête de mon invité et le reconnut aussitôt. Il n'avait pas vraiment changé mais juste vieilli. Je le laissais prendre place à notre table et lui répondit, une fois qu'il fut assis.

"Bonsoir. je suis ravi de vous revoir."

Je vouvoyais mon ami bien qu'on se connaissent depuis mes années de lycée. C'était une personne qui m'impressionnait mais dont j'avait réussi à obtenir la sympathie. C'était drôle de nous voir là à cette table. Un jeune homme de 26 ans et un adulte dans la soixantaine me semblait-il.

"Je vais bien comme vous pouvez en juger."

Une serveuse arriva et nous donna deux menus. Je la remerciais en posant le carton sur mon assiette. J'avais du temps à rattraper mais pas quoi commencer. Et surtout comment entamer la conversation sans que je paraisse pressé de tout savoir de mon ami. Cela faisait entre cinq et dix ans qu'on ne s'étaient pas vus. Pourtant nous vivons dans la même ville.

"Ca fait longtemps que je ne vous avez pas vu. Je crois bien que ça date de l'obtention de mon diplôme de commerce à l'université."

Je posais mes mains sur le menu et le tournait un peu du bout de mes doigts comme pour m'occuper en attendant quelque chose. Ou bien étais-je un peu stressé ? Je ne savais pas vraiment.

"Je vous ai invité parce qu'il y a trois jours, j'ai retrouvé un dessin dans mon appartement. C'était un truc que j'avais du faire pour votre cours. Et ça m'a rappelé que je ne vous voyais plus trop depuis que j'ai fini la fac..."

Il fallait dire que Jordan était un ami de mes parents enfin de ma mère qui lui demandait parfois conseil quand elle avait des robes de mariages à dessiner. Je lui avait parlé de ce professeur et de ses bons conseils en dessins pour les cours et ma mère m'avait demandé s'il accepterait aussi de donner quelques conseils à une créatrice de robes de mariage. Non pas que ma mère soit nulle en dessin. Loin de là. Elle est plutôt douée et je dois dire que je n'ai pas hérité de son talent. Jordan Paterson avait accepté.

Le début de notre amitié avait commencé. Pourtant, au lycée, je n'avais pas de traitement de faveur de la part de ce professeur ni d'aucun autre. Je n'en avais pas besoin puisque j'étais un bon élève.

Ca faisait drôle que Jordan me demande de le tutoyer. Je le vouvoyais encore même après ne plus être élève dans sa classe. Peut-être une habitude que nous prenions au lycée. C'était un signe de respect et je n'étais pas un garçon ni un homme impoli.

"D'accord si tu veux."

Je l'écoutais attentivement et fut surpris de sa réaction. Avais-je donné mon numéro de portable à Monsieur Paterson ? Je ne m'en souvenais plus et je fouillais dans ma sacoche fin de trouvé un stylo que j'avais toujours sur moi. J'écrivis mon numéro sur un bout de papier parce que j'aurais très bien pu lui donner de vive voix mais n'avais pas du tout envie que tout le monde dans le restaurant l'entende.

"Voilà. C'est mon portable. Je réponds assez souvent sauf si je suis occupé. N'hésites pas à m'appeler le soir ou le week-end quand je ne travaille pas."

Je fis alors une tête d'étonné tant la question de Jordan me parut déplacée et inadaptée au contexte. Je lui répondis pourtant simplement.

"Qu'est-ce que j'aurai pu faire de ce dessin au restaurant ? Je suis venu pour y prendre l'apéro et manger. En plus, je l'ai laissé dans mon appartement quelque part. Je ne sais plus où. C'était un dessin qui devait montrer l'endroit qui nous correspondait le plus dans Oxtown. Nous avions du prendre ce qu'on voulait dessiner en photo et le reproduire soit à la peinture, au crayon, à la pastel enfin comme on voulait. J'avais choisi la librairie municipale."

Je laissais un temps et osais enfin avouer :

"J'avais pensé dessiner ma maison mais j'avais pensé à l'époque que la plupart des gens de la classe prendraient cette idée-là. J'ai laissé tombé. J'ai quand même bien galéré et ma note n'était pas la meilleure... On aurait dit que le bâtiment avait subit un léger tremblement de terre parce que j'avais eu du mal à faire les murs droits sans user de règle..."

J'enchaînais alors sur Monsieur Paterson.

"Et toi, tu fais quoi depuis notre dernière rencontre ?"

J'avais vraiment l'impression d'être une étrange personne. Je n'arrivais à le tutoyer qu'en pensant à ce qu'il m'avait dit plus tôt. Que je pouvais depuis le temps qu'on se connaissaient. Et pourtant, Jordan me faisait l'effet d'une vague connaissance tant j'en savais peu sur sa vie à lui. Je ne savais même pas s'il avait une petite amie ni ce qu'il faisait comme travail maintenant.

J'écoutais Jordan me raconter sa vie et cela me paraissait faire un nombre incalculables d'années qu'il était professeur de dessin. Et il exerçait encore dans un autre lycée. Je crois bien que je ne le verrais jamais prendre sa retraite.

"Tu dois adorer ton métier. Mais tu n'as jamais voulu d'enfants ? Tu travailles avec eux. Tu dois bien les aimer un peu sinon tu ne serais pas professeur."

J'attendais sa réponse quand la même serveuse que tout à l'heure vint nous demander notre commande. Je commandais un assortiment de tapas et un mojito pour débuter. J'aurais le temps de voir si j'avais encore faim après ou pas. Je laissais le temps à Jordan de passer sa commande et lui dit une fois la serveuse partie :

"Tu pourrais passer voir ma mère aussi. Ca fait longtemps qu'elle ne t'as pas vu. Elle n'est pas trop prise par son travail. Faire des robes de mariées n'est pas trop prenant dit-elle souvent. Moins que des vêtements de tous les jours."

Je m'arrêtais un peu pour souffler et dit en plus :

"Ma mère dit qu'on ne se marie généralement qu'une fois si on a trouvé sa bonne moitié."

Je me dis qu'alors ce proverbe familial n'aurait pas encore trouvé son sens avec moi ou ma petite sœur Andréa car nous n'avions ni l'un ni l'autre de petite amie ou petit copain. Le jour de mon mariage n'allait pas être immédiat et je ne dis aussitôt que si j'attendais trop, Jordan Paterson ne serait même plus un invité de mon mariage car il serait mort. Il